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La Gale, jeune artiste lausannoise au rap réfractaire et convaincu, m'a accordé une interview. Rencontre.
Cette jeune rappeuse suisse et libanaise de talent envahit les scènes de la région romande et bien au-delà. Elle collabore avec différents artistes dont Abstral Compost, Rynox ou Malikah mais a aussi intégré le collectif libanais 961 underground. La Gale écrit en français ou en arabe sur des thèmes tels que les inégalités sociales, mais dénonce également les situations politiques en Europe et au Moyen-Orient.
En quelques mots quel a été ton parcours musical?
J'ai débuté en 2001 avec un groupe de ska-punk à Lausanne. J'étais aussi guitariste dans un autre groupe. J'ai tout de suite fait des scènes. Si j'ai fait de la musique c'est pour faire de la scène, sinon tu chantes sous ta douche.
Et le rap est venu plus tard?
Le punk est resté dans la tête. Le Hip Hop j'en ai toujours écouté, depuis l'âge de 13 ans avec "paris sous les bombes" ( 3ème album du groupe NTM, ndlr). J'étais une skinhead antifa (antifasciste, ndlr) Ensuite j'ai commencé à travailler dans la programmation. J'ai rencontré des gens, mais j'ai toujours été influencée par le rap. 2006-2007 marque la fin du groupe punk. La première scène hip hop était en 2006 à Zürich. En 2007, premier concert avec Abstral compost. 2007, c'est aussi le début de la collaboration avec Rynox.
En fait, en fin 2005, j'ai fait un voyage en Palestine, c'est là qu'est né le projet de collaboration avec le ramallah underground. Je suis née ici mais y a un moment où t'as envie de capter plus sur la culture d'où tu viens. En se demandant un peu "qu'est-ce qu'il se passe là-bas que je peux vivre aussi ici?"
Et comment as-tu fait ces rencontres? Fruit du hasard?
Un des réseaux de rencontre est internet. Il y a un vivier hip hop arabophone important. Ca vient de chez toi, alors tu regardes s'il y a des idées qui font écho. Je parle l'arabe, le français et l'anglais. J'avais envie de retisser les liens.
Dans les textes, quels sont les thèmes principaux?
Dans les textes, les thèmes peuvent être relatifs au Moyen-Orient, à l'immigration, le flicage ou la colonisation...
Donc des thèmes engagés...
Oui... Sinon pourquoi faire du rap...?!
Les textes sont parfois provoc'.
Ca veut dire quoi provocant? Ca veut dire texte cru? Si provoquer ça veut dire être cru sur des choses vraies, alors oui. Mais provoquer ça veut dire faire chier non? Mais c'est différent de mettre le doigt là où ça fait mal. On est pas fataliste. On a un rap réfractaire, sombre et on est convaincu de ce qu'on dit.
Et comment sont-ils reçus par le public?
On m'a dit une fois que j'étais antisémite. (...) je condamne le colonialisme sous toutes ses formes. Mais il faut faire attention aux clichés dans lesquels on peut tomber. Il faut éviter à tout prix les amalgames religieux. On respecte tout-e-s croyant-e-s, nos textes concernant la Palestine et le Moyen-Orient sont des textes politiques avant toute chose. Pas de religion là-dedans.
L'autre jour pendant ton concert tu as dit que l'on te demandait souvent pourquoi tu ne faisais pas du rap "féministe". Cette question m'a interpelée, comment réagis-tu quand on te la pose?
Ma réponse a été un de nos textes ("la poule" ndrl), pour moi c'est plus une blague qu'autre chose. Moi je me considère comme féministe. Mais d'ailleurs, il n'y a pas une seule façon de l'être. Demande à une musulmane issue de l'immigration vivant dans une banlieue française ou à une femme de Pully ce qu'elles en pensent. Il y a un carcan trop large entre les deux.
Rien que mon écriture c'est une écriture de fille. Le patriarcat est partout. Le Rock, par exemple, n'est pas plus émancipateur, avec les pin up et tout. Le Métal aussi, à part quelques filles au clavier parfois. Le mythe de la femme objet qui ne sert à rien est partout.
Je bénéficie d'un buzz parce que je suis une meuf. Quand t'as une meuf sur scène, il y a un package émotionnel genre "oh la fille, elle est choue". On te dit que tu es touchante. On se doit de dire des choses intéressantes et d'être bon. Si ce que tu fais est bien, y a pas de raison pour que les gens ne l'entendent pas.
Quand on te voit sur scène entourée de tous ces lascars, on se demande comment tu as pu t'intégrer.
J'ai jamais eu de problèmes à faire passer ma voix, peut-être que c'est tous des gentlemen. J'ai une grande gueule... J'ai toujours été garçon manqué... Mais encore une fois, si tu sais que ce que tu fais c'est bien, pas de honte. J'ai pas de solidarité pour une fille qui fait juste du rap... Enfin si c'est bien oui. Mais je vois pas sinon à quel titre je devrais soutenir ça. L'idée même de faire une association de meuf pour le rap, ça ne m'intéresse pas, c'est trop réducteur... Style regardez "on sait faire la vaisselle mais aussi du hip hop"!
Alors tu rapes en tant qu'individu avant tout?
Je parle en tant que personne issue à 50 % de l'immigration. Je me suis créé une idéologie au fil du temps mais je rape pour les gens... Pour ceux qui veulent m'écouter, et les autres tant pis!
Et pour la scène, comment cela s'est-il passé? Notamment le Paléo l'été passé par exemple ?
On a l'impression que tout coule de source, jamais je ne me suis dit "on va aller au Paléo!" On n'a jamais démarché. C'est les gens qui viennent nous chercher, et c'est très bien comme ça!
Y a-t-il des propositions que tu refuses?
Si on est invité par un parti politique par exemple, on refusera. On n'adhère à aucun parti et on ne veut pas être associé à l'un d'entre eux.
Et tu as des nouveaux projets? Un album?
Oui, un album solo est prévu pour l'année prochaine. Je collabore avec un musicien et beatmaker dans la production. Ce sera que des nouveaux textes. On y travaille.
Laissez-vous contaminer...
La Gale et Rynox sont en concert :
-samedi 12 décembre à la bille (La Sarraz)
-vendredi 29 janvier 2010 Usine, Zoo (Genève) en première partie de La Rumeur.
- Bondy Blog
La jeune Karine Guignard, connue sous le pesudo de La Gale, incarne le personnage principal du film «De l'encre».
Les fictions maison de Canal+ sont généralement des événements à ne pas manquer. «Pigalle (la nuit)», «Carlos» ou encore «Mafiosa» en sont des exemples. «De l’encre», la sixième édition de la «Nouvelle trilogie» ne fait pas exception. Quand, en plus, on sait que ce drame musical rap est écrit par Hamé et Ekoué, les leaders du groupe La Rumeur, on ne peut que s’attendre à une production de qualité. Et, cerise sur le gâteau, l’héroïne, est incarnée par La Gale, une rappeuse lausannoise.
Karine Guignard - son vrai nom - joue donc Nejma, une rappeuse de 22 ans extrêmement douée qui rêve de gloire.Pour aider sa mère (Béatrice Dalle) et son père (Slimane Dazi) en proie à des soucis financiers, la jeune femme accepte de devenir la «ghost writer» (celle qui écrit dans l’ombre) de Diomède, un slammeur propre sur lui.
Ecrit en un an et demi et tourné en quelques semaines, «De l’encre» confirme le flair de Bruno Gaccio, ancien auteur des «Guignols», qui est l’origine du projet. Car engager deux rappeurs à la réputation sulfureuse était un pari risqué. Mais un pari gagné haut la main tant le résultat est époustouflant. Les clichés sur le rap sont évités, la violence n’est jamais gratuite et la bande originale de l’oeuvre ravira les fans de hip-hop.
Quand à Karine Guignard, il y a fort à parier que cette première expérience de comédienne ne sera pas la dernière de la jeune Vaudoise.
- 20minutes suisse
Les fans de rap la connaissent sous son nom de scène, La Gale. La Lausannoise Karine Guignard fait ses débuts à la télé face à Béatrice Dalle dans la nouvelle série "coup de poing" de Canal plus...
- Femina
Pendant que France 2 programmait mercredi soir un téléfilm de Philippe le Guay ("Les femmes du 6ème étage") adapté de la vie de Boris Vian plutôt sympathique mais très académique et finalement sans grand intérêt ("V comme Vian"), Canal+ diffusait au même moment, "De l’encre", un téléfilm radicalement différent dans la forme, mais pas très différent sur le fond : l’auteur, son œuvre et sa reconnaissance.
"De l’encre", réalisé par le duo de rappeurs Hamé et Ekoué du groupe La Rumeur, fait partie de la “Nouvelle Trilogie” de Canal+, dédiée aux séries et téléfilms réalisés par de jeunes auteurs. "De l’encre" raconte le parcours d’une jeune étudiante rappeuse qui décide, en partie pour payer les dettes de sa mère, de vendre ses textes à une major, de devenir ghostwriter pour un slammeur nommé Diomène qui rappelle furieusement Abd al Malik.
"De l’encre" est un film en forme de satire qui pose un regard acide, parfois un peu cliché et manichéen, sur le monde de la music business (incarné ici par le label Remake) et sur les rapports que le label entretient avec les radios et la façon dont est récupéré le rap à des fins purement commerciales. Mais la principale qualité du film, au-delà de son sujet, c’est sa forme et les qualités de jeu et de mise en scène qui en ressortent.
Même si Hamé de La Rumeur a suivi des études de cinéma, on reste stupéfait par la grande maitrise qui se dégage de ce premier film porté par une tripotée d’acteurs plus que parfaits. Que ce soit Béatrice Dalle en mère larguée, Slimane Dazi, (vu dans "Un prophète") en ex-taulard très doux, ou Reda Kateb, plus vrai que nature en DJ producteur caillera qui refuse tout compromis avec l’industrie du disque, tous se mettent au service d’une mise en scène lumineuse et stylisée qui rappelle, dans ses plus belles scènes, l’énergie et la verve d’un Abdellatif Kechiche. Mais la vraie performance, elle vient de la jeune la Suisso-Libanaise Karine Guignard, qui interprète le rôle principal. Vraie rappeuse dans la vie, elle illumine le film de sa belle énergie, de sa beauté, de son regard noir et de son caractère bien trempé. Une réussite qui permettra, espérons-le, à tout ce petit monde de se retrouver à nouveau sur un plateau, cette fois pour un film de cinéma.
- Hop Overblog
Culture Le 7 février à 0h00
Le rap décape enprime-time
Grand angleEcrite pour Canal + par les rappeurs de la Rumeur, la série «De l’encre» dévoile les coulisses du rap, ses combines, ses tabous. Et règle quelques comptes avec l’industrie musicale. Avant-première.
Pour le rap français dont les plus grandes vedettes (Booba, Soprano, Rohff) se plaignaient encore, fin décembre dans le Parisien, d’être boycottés par les grands médias, ce sera une reconnaissance. Une première aussi. Au printemps, Canal+ diffusera en prime time, et en crypté, une trilogie musicale écrite et réalisée par deux rappeurs engagés, Hamé et Ekoué, du groupe la Rumeur, et servie par une belle distribution (Béatrice Dalle, Reda Kateb). Un drame musical en trois actes tel un coup de canif dans les mythes les plus coriaces de l’expression rap. Et un coup de projecteur sans complaisance dans ses coulisses. Tournée en décembre, actuellement en montage, la trilogie De l’encre raconte le destin d’une rappeuse, Nejma, 22 ans, payée par une maison de disques pour écrire, dans l’ombre, les textes d’un slameur à succès.
Avec ce scénario, Hamé et Ekoué brisent d’emblée l’un des plus gros tabous de la culture rap : le recours à un «ghostwriter», un rappeur, généralement underground, payé le plus souvent au noir pour écrire les textes d’un rappeur connu, sans pour autant être crédité.
Longtemps cachée, la pratique du «ghostwriting» a été révélée pour la première fois aux Etats-Unis en 2000, par un second couteau, Mad Skillz. Dans son morceau justement intitulé Ghostwriter, il révèle alors : «Je suis un rappeur fantôme/ Je suis le mec que vous ne voyez pas/ J’écris des tubes pour les rappeurs que vous aimez, et je leur envoie la facture.» Le «fantôme» balance publiquement les noms de ses clients : Mase, Foxy Brown, P. Diddy. Ce dernier assumera les faits sans rougir, en écrivant peut-être la seule rime dont il est l’auteur : «Ne vous inquiétez pas de savoir si je signe mes textes, je signe des chèques.» Mad Skillz a fait sauter le verrou. En 2001, Dr Dre, inventeur du gangsta rap avec son groupe NWA (Niggers With Attitude), admettra avoir laissé son collègue, Jay-Z, écrire le texte de son come-back Still Dre : «Je suis le meilleur compositeur hip-hop, expliquera-t-il, mais vraiment pas le meilleur parolier. Alors, pour mes musiques, je veux les meilleurs textes.»
Geste de voyou
Exigence bien acceptée pour la variété, la chanson ou le rock, le ghostwriting reste considéré comme une hérésie dans le rap français : «Aux Etats-Unis, où la culture du divertissement a pris le pas sur les valeurs du rap, l’opposition entre underground et commercial est bien moins forte qu’en France, explique Hamé. Chez nous, c’est doublement verrouillé : à cause de notre rapport compliqué à l’argent, et de notre culture du texte.»
Hamé, qui a gagné, en octobre, son procès pour diffamation contre le ministère de l’Intérieur après huit ans de procédure, puise ses arguments dans l’histoire : «Quand le rap est apparu, c’était de nouveaux visages, avec de nouveaux mots pour une réalité occultée. Au départ, le rap est un geste de voyou : ce qui ne nous est pas permis, on le prend, on ne demande l’autorisation à personne. On prend cette parole et on vous emmerde. Tu ne peux pas arriver avec cette démarche-là en n’étant pas toi-même porteur de tes propres mots.»
Youssoupha, en procès pour avoir injurié et menacé le polémiste Eric Zemmour dans un rap, reconnaît avoir déjà été sollicité pour écrire pour d’autres rappeurs : «Les directeurs artistiques présentent la chose autrement. Ils te disent "tu ne veux pas donner un coup de main à untel ?" Je ne vous dirai pas à qui, parce que l’artiste était tellement mal à l’aise que ça ne s’est pas fait. En France, le phénomène du ghostwriting est très peu répandu. Les rappeurs craignent tellement le moment où ils vont devoir l’avouer et s’expliquer qu’ils préfèrent écrire leurs textes eux-mêmes, quitte à ce qu’ils soient médiocres. Moi, je n’ai aucun souci avec ça puisque j’écris pour des chanteurs r’n’b. Et je n’ai aucun complexe à faire appel à d’autres quand je bloque sur mes propres raps. Par exemple, sur un titre de mon dernier album, c’est Maître Gims, de la Sexion d’Assaut, qui m’a écrit le refrain.»
Histoire d’aller plus loin, Youssoupha écrit à quatre mains avec un autre rappeur, Sinik. Chacun s’attache à la vie de l’autre : «Je suis l’auteur de sa vie, dit-il, il sera le mien.» De là à devenir ghostwriter pour d’autres, il n’y a qu’un pas, qu’il franchit allégrement : «Un rappeur, c’est un flow (1), une gueule, une attitude, une dégaine et une plume. Alors, s’il manque juste la plume…»
Manu Key, rappeur au sein du collectif Mafia K’1 Fry, estime même que cette pratique pourrait sauver le rap français : «Le niveau est tellement catastrophique en ce moment qu’on ferait bien d’utiliser des ghostwriters. Moi, si on me le propose, j’étudierai sérieusement la question, en fonction de l’artiste, de ce qu’il apporte et du chèque qu’on me signera.» «Mais le ghostwriting n’est pas le tabou qui nous obsède le plus aujourd’hui, dit Youssoupha. Il y en a des plus gros encore. Par exemple, les connivences entre les artistes et les radios.»
Mentalité de guerrière
Briser, ces tabous, un à un, c’est précisément l’argument de De l’encre. Si Hamé et Ekoué ont mis en scène une ghostwriter, c’est aussi pour entrer dans les coulisses : «Ce qu’on voulait surtout, c’est observer l’industrie du disque de façon oblique. On connaît la façade en carton-pâte. Ce qui nous intéresse, c’est de savoir qui travaille réellement en cuisine. Qui ment ?» L’héroïne de leur histoire est à l’image de ces jeunes rappeuses que Hamé et Ekoué, diplômés respectivement de la New York University of Arts et de Sciences-Po-Paris, ont rencontrées lors des ateliers d’écriture qu’ils animent à travers la France : «Elles portent à bout de bras les problèmes de leurs parents, racontent-ils, elles tiennent la baraque. Et puis, ces jeunes femmes, quand elles arrivent dans l’environnement très masculin du rap, elles ont de fait une mentalité de guerrière. Ce sont des meufs qui donnent du fil à retordre aux mecs.»
Nejma, campée par la rappeuse suisso-libanaise Karine Guignard qu’ils ont rencontrée en concert, n’est effectivement pas un ange. Etudiante en droit, boursière, elle s’occupe d’une personne âgée… qu’elle vole. Elle investit son petit larcin dans de l’herbe achetée à son ami DJ, Romuald (Reda Kateb), qu’elle revend trois fois le prix aux bourges de sa fac, pour arrondir ses fins de mois et aider sa mère (Béatrice Dalle), surendettée et au bord de la crise de nerfs. Son père (Sliman Dazi, vu dans le Prophète), faux-monnayeur, vient de sortir de prison, et porte un bracelet électronique.
L’envers du décor rap défile. Il y a les albums piratés vendus sous le manteau aux puces de Clignancourt, la production maison, les fuites sur Internet. Et les petites arnaques entre amis : Nejma trahit son pote DJ qui enregistrait tous ses raps en acceptant le ghostwriting d’une major sans lui en parler ; Romuald fait chanter le patron de cette major, cynique à souhait, en lui forçant la main pour sortir son album. La mise en scène dépouillée, pimentée par la connaissance des coups tordus du rap et de l’industrie du disque, filmée à la Ken Loach, évite le piège des clichés des bas-fonds. Les producteurs de la trilogie (Gilles Galud de la Parisienne des Images et Bruno Gaccio de la Fabrique pour Canal +) avaient commandé une comédie musicale. Ce sera plutôt un drame musical avec des dialogues enlevés.
Du rugueux au décorum
Impitoyable, De l’encre raconte aussi les relations du boss du disque et d’un directeur de radio : «On voulait montrer comment un contrat radio se négocie, explique Hamé, aller voir dans les arrière-boutiques, découvrir les rapports de force.» La maison de disques n’a plus le clinquant d’antan, les bureaux sont vides, les poubelles renversées : «Ce sont les maisons de disques post-crise du téléchargement, dit Hamé. Le marché s’est complètement atrophié. Il faut rentabiliser et amortir l’investissement sur l’artiste très rapidement. Le slameur pour qui Nejma écrit est l’un des derniers gros vendeurs du label. Il y a encore un peu d’argent, mais il faut renouveler la demande. On fait donc écrire des textes par une rappeuse pour donner du rugueux au décorum.»
Au passage, Hamé et Ekoué en profitent pour régler leurs comptes avec le slam, qu’ils considèrent comme une déviance : «On le montre comme un vecteur d’affaiblissement de la révolte du rap, résume Ekoué. Les slameurs, ce sont les figures non anxiogènes des cultures urbaines, le visage fréquentable. Après les émeutes de 2005, les médias et les maisons de disques se sont dits : D’accord, on leur donne la parole, aux rappeurs, mais on leur donne celle-là.»
Pas question non plus pour Hamé et Ekoué de mettre en scène et de faire la pub des Booba, Rohff et autres consorts à grande audience : «Qu’est-ce qu’ils ont à dire qu’on ne sait pas déjà ? demande Ekoué. Qu’ils font du pognon et qu’ils tournent dans de grosses bagnoles. Je préfère lire une interview de Serge Dassault. Le rap sale, grossier, que je n’ai pas envie d’inviter à la table de mes parents, il n’a en effet pas droit de cité. Booba et d’autres aimeraient bien rapper leurs textes au milieu de Vanessa Paradis et de Mimi Mathy sur TF1, et qu’on ne vienne pas contester leur légitimité. C’est un débat qui ne nous intéresse pas et ce n’est pas un discours qu’on a voulu montrer.»
Et Bruno Gaccio, le responsable de la fiction pour Canal+ ? «Il y a deux ans et demi, quand j’ai croisé Hamé et Ekoué, j’ai surtout rencontré des gens intéressants avant de rencontrer des rappeurs. Ce qui m’intéresse dans le rap, explique-t-il, c’est que c’est une musique jeune où il y a encore une opposition forte entre authenticité et imposture, entre anonymat et célébrité, entre précarité et star system.» Elle existe, encore. C’est ce que chantera De l’encre.
(1) Dans le langage rap, le «flow», c’est le débit des mots.
- Libération
Il fallait l'œil et la plume aiguisés de rappeurs aussi exigeants qu'Hamé et Ekoué pour ne pas tomber dans les clichés typiques d'un film sur le rap. Depuis le début des années 90, ces deux Mc's de la région parisienne promène leur rap indépendant, d'autres diraient underground, voire hardcore, sur la planète du hip-hop français. Sans concession, ils ont sorti trois albums de 2002 en 2007, toujours ancrés dans la réalité et suintant l'actualité brulante. Tellement brulants que, dés leur premier opus, le ministère de l'intérieur, alors dirigé par Nicolas Sarkozy, les attaque pour des propos dans un fanzine et « diffamation envers la Police Nationale. » Après deux relaxes, un appel et un pourvoi en cassation, Hamé est finalement définitivement relaxé au bout de huit ans de procédures, en 2010.
Pas du tout rangés des micros, ceux qui ont fait une petite parenthèse avec l'équipe de Zone Libre (Casey et Serge Teyssot-Gay de Noir Désir) n'ont jamais arrêté de tourner ni de sortir des tapes. C'est peut-être cette vérité et cette énergie-là qui a amené Bruno Gaccio, de Canal +, à leur proposer de participer à la création d'un film musical autour du rap. Un an et demi-deux ans après le lancement du projet sort enfin De l'encre, tourné en quelques semaines avec des acteurs triés sur le volet :
Karine Guignard joue Nejma, la rappeuse, dans la vie comme à l'écran, déterminée comme personne à percer. Autour d'elle, sa mère Béatrice Dalle et son père, le poignant Slimane Dazi, qui sort d'une longue peine de prison pour création de faux-billets. Il y a aussi son confident, son producteur, le compagnon des heures creuses, Romuald, joué par Reda Kateb, déjà aperçu dans Mafiosa ou Engrenages, tout en tension et en finesse.
Le pitch, donc ? Nejma est une jeune rappeuse ultra douée qui, entre ses études, les problèmes de fric de sa mère et la mamie qu'elle garde de temps en temps, aimerait bien toucher le succès du doigt, juste une fois, pour voir. Dure , puriste et sûre d'elle, elle décide d'accepter de devenir le ghost writer d'un slameur à succès, Diomède. Se dessine alors toute une galerie de personnages issus du métier du disque tous plus complexes les uns que les autres.
Car c'est l'une des forces de De l'encre : ne jamais tomber dans les clichés ni les facilités. La violence est sous-tendue, l'humanité aussi et chaque petite touche apporte son supplément d'âme. Porté par un rap impeccable, une bande-son des plus prenante (signée, of course, La Rumeur), De l'encre est une satire toujours juste, pas un pamphlet contre les maisons de disque ni les slameurs consensuels. C'est la mise en scène réaliste de ce monde de la musique qui broit souvent ses acteurs. Un film d'une rare authenticité, à découvrir de toute urgence.
Diffusion à partir du 15 Juin 2011 sur Canal + à 20h45. - Adeline au pays du hip hop
Karine Guignard campe avec brio une jeune rappeuse aussi rebelle que rugueuse dans "De l'encre"
Nejma, 24 ans, rappeuse rugueuse et désargentée, accepte contre quelques milliers d'euros d'écrire les textes de Diomède, slameur en pull jacquard. La jeune rebelle se frotte à la mécanique cynique du petit monde de la musique. Gare aux étincelles. Ce premier "drame musical rap" est signé Ekoué et Hamé, du groupe la Rumeur. Les deux rappeurs règlent leur compte aux radios, aux maisons de disques, à la télé, au ghostwriting - l'équivalent du nègre en littérature - et au slam. Rien que ça. Sauf que le propos est trop caricatural pour faire complètement mouche. Les scènes au coeur de la vie de Nejma (Karine Guignard, une découverte), avec son ami (Reda Kateb, parfait), son ancien taulard de père et sa mère, endettée (Béatrice Dalle, sobre), sont en revanche très réussies. Ekoué et Hamé ont dû regarder en boucle Le Prophète, de Jacques Audiard. - L'Express
It’s hard to say when and where it started in Arabia, or who really started it. There’s been a hip-hop following in Arabia since my teenage years in Oman, in the Arabian Gulf. I remember people used to sport “Murder Was The Case” Snoop Dogg shirts back in the mid-’90s, probably purchased on a US or European summer trip. I remember middle school with my Omani and Lebanese friends, chanting, “Cash rules everything around me!” during lunch breaks, and throwing “W” hand signs. Whether we meant “Wu-Tang” or “West Coast,” we weren’t in a position to represent either!
Later on in the ’90s I started hearing about Morocco, Algeria, and Tunisia having rapidly growing hip-hop scenes. It started with the Moroccans and Algerians who lived in Europe (especially France) and traveled back with them to their homelands. It’s also worth mentioning that popular groups in France, such as Saian Supa Crew and IAM, had Arabic members.
Shortly after that, occupied Palestine caught up on hip-hop, and found it a suitable form of music to express their anger and sorrow and desire to rebel against the oppression they have been facing for decades. If media, art, and music are ignoring your struggle and pain, why not express it yourself? If I am to mention whom out of Palestine first made an impact on me, it has to be DAM (Da Arab MCs). The three-man group has been doing shows all over the world and releasing independent albums since the mid-’90s, and has created a huge name in Palestine and among Arabs all around the world. They have been blessed to perform all across Europe and the US, and have been talked about so much by US (and even Israeli) media. Yet Arabic media has ignored them all these years!
Not far across the border, we heard a very talented DJ in Lebanon who called himself Lethal Skillz. Lethal Skillz had been DJing a lot of underground hip-hop parties and supporting new acts such as Aks El Seir, appearing in their low budget yet creative video shot in the mid-’90s, in the midst of a not very accepting environment. Fast forward to 2006, and Lethal Skillz made a lot of news and created a huge buzz, leaking songs online with his newly formed group, 961 Underground, which included English-language rappers such as Omarz and MC Moe; others who rap in French, such as female rapper La Gale (now based in Switzerland); and still others rapping in Arabic, such as RGB and female MC, Malikah. It wasn’t long till Lethal Skillz released an album, New World Disorder, featuring most of those 961 talents, as well as other MCs from Palestine and Syria.
Now let’s flash back a little bit to Egypt. Hip-hop had been creating a small buzz among DJs and club goers in the ’90s, and a huge b-boy scene emerged around that time. But it wasn’t until 2004 that an actual hip-hop event took place. At my own risk, I flew RZA of Wu-Tang over from Italy during his tour to throw him a show in Giza, Cairo, in Siag Hotel—as close as we were able to get to the pyramids. RZA came with Kinetic of Killarmy and Cilvaringz (who’s Moroccan-Dutch and was the first Arab to get signed by an American rap group), as well as Moroccan rapper Salah Edin. Salah must have been the best Arabic rapper I had met at that time, and was really using a lot of traditional Arabic instruments on his songs, and sampled some very well-known Arabic classics on his beats, which enabled him to steal the attention in Cairo.
During that time I was rapping in an independent group I had formed called MSE (Madd Skillz Empire). It consisted of mostly non-Arabs that live in Cairo, and three other Egyptians. We were recording songs at home, printing them ourselves, and selling them in private schools and out of a backpack in clubs. The only hip-hop I heard in Egypt at that point, other than us, was MTM, Asfalt, and Y Crew (from Alexandria).
In 2006 I ran into E-Money (who was then in Asfalt) and Sphinx (who was visiting Egypt from LA). We got into a cipher outside the club and, two weeks later, formed Arabian Knightz. At that point in time MySpace was making it really big so we decided to dedicate a few months to record and leak some songs and add friends and see what the feedback would be like. And indeed the feedback was insane! We approached 100,000 track views before we even had a single show or a plan of what to do with the group!
A few online contacts went back and forth and soon we were talking to legendary LA producer Fredwreck (originally Palestinian) who hadn’t heard any Arabic rap prior to us, other than DAM. He was excited to fly over to Cairo and start working on our album. We had no budget to spend days and days in the studio, so we laid the first single, “Fokkak,” in the studio the same day that he made the beat. We had one day to shoot the video, and boom! A few months later it was all over Arabic TV and radio. It was the first Arabic rap song to reach the number-four position in the Arabic top ten a few months in a row! Fred’s saga in Arabia didn’t end at that point. After laying six beats for Arabian Knightz and going back to LA for a few months, he was contacted by some people from MTV Arabia. Fast forward a few months, Fredwreck is shooting a pilot for the new MTV Arabia reality hip-hop show Hip-hopNa with his Saudi Arabian co-host, Qusai, in Dubai.
Arabian Knightz signed a deal, but we had to break out of it a year and a half later and go independent because it was the most unfruitful part of our career. It may mean a lower budget, but at the same time, we can’t leave the destiny of Arabic hip-hop in someone else’s hands, now can we? - Frank 151- words by Karim Adel
Tandis que Booba semble avoir perdu sa verve sous des couches de vocoder à la T-Pain et des prods à la TTC last period. Que le rap malin ne se vend plus qu'accompagné de musiciens jazz, que les revendications de tout genre se sont depuis longtemps transformées en lieux communs bien-pensants et vomitifs. Alors qu'il faut creuser de plus en plus profondément les réseaux de distribution français pour trouver des disques de rap de qualité. Que même la Rumeur qui signe chez EMI en pensant vendre plus voit ses albums distribués en France uniquement. Produit non-exportable. Alors quant à faire occupons-nous de ce qui se passe chez nous. Car il s'en passe, des choses.Pour une fois on va pas vous parler d'un disque mais d'un concert. En espérant que sous peu une chronique d'album sera possible...
Hier soir dans les murs du Romandie, un public des plus éclectiques eut le droit à sa première baffe hip-hop de l'année. Et la baffe en question ne fut pas donnée par une bande de jeunes noirs des suburbs de Detroit, ni même d'une banlieue parisienne... J'ai nommé les Lausannois La Gale et Rynox.
Un mec et une nana, qui se passent le crachoir avec une dextérité décomplexée. Un public acquis en un morceau sans pour autant se voir obligé de faire la moitié du show lui-même comme c'est trop souvent le cas dans ce genre de concerts. Un vrai DJ qui ne se contente pas de balancer des instrus entre deux cannettes. Des vrais MC's attentifs au public, en phase, qui se passent de set-list comme des usuelles mais gênantes minutes dédiées au démélage des cables micros. Des beats variés de toutes provenances, du massif violonu à l'absrtact aux rythmes syncopés en passant par l'électronique new-school accéléré. Des flows habiles qui s'adaptent sans un hoquet aux variations de BPM. Des textes malins et un humour à toute épreuve qui ne versent jamais dans la superficialité ni dans la parodie de la parodie de la parodie... Des messages directs qui atteignent leur but comme un poing dans ta face, loin des euphémismes et la sur-narrativité si chère au rap français depuis ses débuts. Pas d'histoires de gamins qui traînent dans des cages d'escaliers ici, mais des faits, des haines et quelques rêves qui ne s'embarrassent ni de détails ni de métaphores. Bref un rap politique, virulent et dénonciateur qui nous rappellent, une fois n'est pas coutume, que c'est ça le rap. Aussi. Surtout. Et que, débarrassé de ses clichés, il arrive encore parfois à son but ultime.
Bref une affaire à suivre.
La Gale
Rynox - Disc-A-Brac
Discography
Singles :
"J'vais m'marier" on "Underground hiphop mixtape vol.1, Les briques ça vole aussi", France
"Donna" PP+ mixtape, Lausanne
"J'me suis battu" Protontype 5, Lausanne
"Warriors" feat. Mc Amin and Rush aka Saifullah (Cairo)
"Black Moon" ft Cheena Black and Beirutus (Beirut-USA)
"Violence" ft. Kordy and Killa F (Cairo) and Benzosa (CAN)
"Ghanni" - Palestinian solidarity song - beat from Stormtrap, Ramallah Underground
Albums and others :
"Gaza Meets Geneva" collab album with Darg Team from Gaza
3 tracks sung for the movie "de l'Encre" written by la Rumeur
Solo album currently recorded and to be released end 2011
Photos
Bio
Karine Guignard aka La Gale was born in 1983 in Switzerland, and is half Lebanese and half Swiss. Contaminated by the hiphop virus, she has been linked to the Arab rap movement since 2005. She has collaborated with many different protagonists in this musical scene ; from Egypt to Palestine, Lebanon to Switzerland, and from France to Canada. For La Gale, say « jarab » or "scabies" and don't try to find out what the main influence on her is. Anger and revolt color her flag red, but her determination and her name itself paint it black.
La Gale is a hybrid mix of punkrocker (ex-guitar player of a street punk band « Classical Slum » and ex lead-singer of « EDS ») and raw hiphop activist - a truckdriverstoner addict, tattooed for life and proud of it. She is a reckless MC who does not compromise and begs for no favors. Avoiding the media, and wary of the misinformation it spreads, La Gale works on telling the truth about what she sees and lives on an everyday basis ; recounting human struggle and nothing more.
With her mate Rynox, she has performed a hundred gigs, toured with her favourite Lebanese collegue Malikah in both France and Switzerland, and has been part of several mixtapes. She's also an expert live sound engineer and has toured with bands in France, Switzerland, Belgium, Netherlands, Lebanon and Syria. Recently, she made her acting debut as the main character "Nejma" in a French serial for Canal+ called « de l'Encre ». De l’Encre was written by Hamé & Ekoué from the French rap band La Rumeur, and also starred Beatrice Dalle and Reda Kateb (seen in « The Prophet ») She has also acted in the forthcoming film of directed by Nicolas Wadimoff « Libertad », where she plays « Charlie », one of the main characters.
She led the conception, recording, editing and release of an album named « Gaza meets Geneva », involving several rappers and beatmakers, in collaboration with the Palestinian group « Darg Team ». She has also organized various concerts and gigs since 2002, and has a large network of contacts around the world.
She is currently cooking her first solo album in her secret underground kitchen, which is expected to be released in spring 2012. For that reason she has been slowing down the gig machine in order to offer a new set to the public and herself.
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